DERNIER JOUR GOREE
Samedi 19/11
Dernière journée en Afrique.
Alain a décidé d'amener Brahim à Gorée. Pour ce dernier, c'est un lieu important. Il en a entendu parler par plusieurs chansons de ses chanteurs préférés (Alpha Blondy et le reggae…) et par les anciens. Sa culture personnelle est faite en partie à travers les paroles de chansons, lui qui sait à peine lire.
Taxi jusqu'à la gare maritime, on a l'impression qu'on va embarquer pour une croisière : grand hall avec salle d'attente, buvette, expo au 1e étage…
20 minutes de traversée et nous voici sur place. Un air de village méditerranéen (France, Italie, Portugal…),petit port, eau claire, maisons aux crépis ocres comme à Roussillon, volets à persiennes, portes et fenêtres avec vitres, cours intérieures, palmiers et fleurs partout. Mais aucune voiture, rue empierrées ou en terre.
C'est un village de 1500 habitants qui ne vit que du tourisme. On s'en aperçoit vite, dès qu'on met un pied sur le bateau, on se fait déjà aborder par les vendeurs de pacotille à la technique très éprouvée : ils écoutent les conversations pour essayer de capter un nom ou une info et ils nous abordent en nous appelant par notre nom et ne nous lâchent plus ! Heureusement, nous avons une parade, Brahim. Le fait de nous voir avec un noir les dissuadent de trop nous aborder, ils pensent que nous sommes accompagnés par un guide.
On casse la croûte dans un des nombreux restos du port. Un joueur de kora rencontré sur le bateau revient voir Brahim, ils se mettent à jouer ensemble, vite rejoints par un autre qui vend des petites percus. Un vieux monsieur, venu montrer l'endroit à sa famille a un malaise, on lui achète de l'eau et il ne tarit plus de remerciements. Rencontre sympa entre Alain et lui.
Direction la maison des esclaves, un guide nous branche, on accepte, mais seulement pour la maison des esclaves et on négocie rudement son tarif. Finalement, il accepte.
Drôle d'endroit, en fait il y avait des dizaines de maison d'esclaves sur l'île : une par marchand. Une jolie cour intérieure d'une maison à un étage. Au RDC des cellules sinistres où l'on triait les hommes (plus de 60 kg), les jeunes filles (avec de beaux seins = vierges), les femmes, les enfants (ayant de bonnes dents), les hommes chétifs étaient à part pour être engraissés avant d'être vendus… Bien sûr le cachot des récalcitrants (une espèce de trou sous l'escalier où ils ne pouvaient être qu'accroupis). Leur arrivée, ils étaient tous attachés par des chaînes aux poignets et des entraves aux pieds (encore visibles dans une vitrine) et numérotés ; ils ne recevront de nom que lorsqu'ils auront été achetés par un propriétaire de l'autre côté de l'Atlantique.
Au milieu, le couloir de la "porte sans retour" qui donne sur la mer et par là où embarquaient les esclaves.
Au premier étage, les appartements du marchand. Le plus souvent, il s'agissait d'enfants d'anciens esclaves et de blancs. Ce sont eux qui allaient acheter aux notables de l'arrière pays les futurs esclaves et qui les revendaient et troquaient contre des marchandises venues d'Europe aux bateaux qui venaient faire le plein à Gorée … D'après ce que j'ai pu lire sur place on évalue à 25 millions, le nombre de personnes déportées. Une des causes du déclin de l'Afrique vient de cette hémorragie qui a durée au moins 3 siècles et qui a dépeuplé les pays des plus valides et des plus forts.
L'île a été disputée par les portugais, les hollandais, les anglais et finalement les français qui y sont restés le plus longtemps. A tel point qu'a une époque, toute personne naissant à Gorée (et dans 4 autres communes du Sénégal) avait automatiquement la nationalité française. Il y avait même un député à l'Assemblée Nationale élu par les habitants de l'île.
Retour au CVD, faire le sac, quitter Soualé et dernier repas au CVD en discutant de Gorée et de pleins d'autres choses sur l'Afrique.
Alain décodait pour moi, en particulier quand Brahim parlait des singes hommes, d'un prophète qui marche sur l'eau, etc… mélange de légendes, de religion, de croyances animistes.
Un bon moment passé ensemble, on a contribué tous les deux à le remettre un peu à flot en lui payant une carte de téléphone, en lui donnant quelques affaires, je lui ai donné mon lecteur MP3, il rêvait d'en avoir un autre car il avait cassé le sien depuis plusieurs mois et il en a besoin pour son "travail de musicien" et pour enregistrer ses chansons.
Taxi et aéroport, j'ai encore 3h à attendre dans un joyeux bazar où tout le monde veut te refourguer quelque chose….
Bye, bye l'Afrique et ta poussière omni présente.
A bientôt, je crois....